— Coucou ! fit une voix derrière elle.
Elle se retourna et vit une ahurissante personne, coiffée de nattes
hirsutes, d’un chapeau de clown, d’un foulard bariolé sous une frange
dressée à l’horizontale, accoutrée de fripes hétéroclites, d’une jupe
longue, stricte, démodée, datant du siècle dernier, et une dizaine de
gilets de toutes les couleurs superposés en éventail.
— Comment qu’tu vas, Peg ? demanda-t-elle en lui tendant la
main.
Peg… À part ses parents, personne ne l’appelait par ce diminutif.
Peggy-Jeanne se disait que, sans doute, la fin du monde était arrivée. Toutefois, elle serra la main de cette étrange personne.
« Je ne la
connais pas… » se dit-elle en fouillant dans tous les interstices de sa
mémoire.
— Mais non, ce n’est pas la fin du monde, et oui, tu me connais…
enfin, du moins, certainement, sûrement, sans doute, tu sais qui je suis !
Elle s’exprimait avec une gouaille indéfinie, un drôle d’accent,
comme une étrangère qui triche et cherche à passer pour une
autochtone.
— J’suis ta tante. Ta tante Jeanne !
Tic-tac, tic-tac, le cœur de Peggy-Jeanne jouait du yo-yo.
— Ta tante, ta grand-tante, la tante de ton père pour exactifier…
Euh… exactituder ? Bref ! Je suis ta tante Jeanne. Ne me dis pas que
tu n’as jamais entendu parler de moi, zutzutzut ?
Peggy-Jeanne n’y comprenait goutte. Son esprit en balançoire la
lançait dans un abîme vertigineux.
— Ma tante Jeanne ! Ce n’est pas possible, voyons ! Vous vous
trompez !
— Mon œil, que je m’trompe !
— Si, je vous assure ! Ma tante a disparu depuis une cinquantaine
d’années.
— Vrai ! Enlevée par des extraterrestres… Ah ! Tu vois ! Et me
v’là de retour !
Peggy-Jeanne crut que sa raison sombrait. Des petites
insomnies, des petits malheurs, et la voilà complètement cinglée,
en proie à des hallucinations… Elle allait dans l’heure se retrouver
sanglée, en camisole, dans un service pour malades mentaux en
crise. À moins que ce ne soit une insolation ? Ce serait cela ? Une
insolation ! une fièvre si élevée qu’elle mène au délire ?
Mais comment attrape-t-on une insolation lorsqu’il n’y a pas de soleil et
que le ciel est gris ?
— Tu n’es pas zinzin et tu n’as pas chopé d’insolation, rassura la
tante.
« C’est tout juste ce que je viens de penser ! Comment a-t-elle deviné ? Ou bien… Non, il doit y avoir une explication. Il s’agit sans doute d’un canular douteux. Encore une personne qui porte un masque ? »
Dès les premiers jours des vacances, elle avait repéré les masques
de ceux qui l’entouraient. Elle avait vu des mystifications s’ébrécher
et se dévoiler jour après jour. Les falsificateurs revêtaient des cagoules
de carnaval pour se protéger, pour faire illusion ou pour tromper. Ces
masques étaient leur dogme. Leur confort. Leurs mensonges. Leur
divertissement ; ils auront un mal fou à les ôter, et il est probable que
certains d’entre eux ne pourront jamais plus les retirer.
Elle-même s’y était essayée, par désespoir.
Elle venait tout juste de découvrir qu’il était si facile de se faire
des ennemis : des fausses rumeurs, et voilà, tout se retournait contre
vous.
Elle ouvrit les yeux, les ferma. L’apparition restait là, tranquille et
amusée. « Restons lucide, usons de logique. »
— Si vous êtes ma tante Jeanne, prouvez-le !
— Tope là !
— On disait que vous étiez télépathe. Pouvez-vous lire dans les
pensées ?
— Sûr ! First, tu me tutoies, OK ? J’suis ta tante, nom d’un bidule !
Bon, Pense à quelque chose, tu verras… Ah ! tu penses à un bracelet
en cuivre !
Elle avait raison, Peggy-Jeanne pensait effectivement au bracelet
de Zoé.
Le jeu se poursuivit et « tante Jeanne » devina toutes ses pensées,
même les formules de préparations pharmaceutiques, même le nom
de Valentin, même le titre du dernier livre qu’elle avait lu avant de
partir en vacances. Encore un essai…
— Là, tu penses à cette crabouille de Zoé…
Hou ! quel langage ! Hébétée, l’humeur boiteuse, Peggy-Jeanne
essayait de s’adapter à cette nouvelle situation improbable. Elle
releva :
— Vous… Tu n’as pas un langage très châtié !
— Hé ! Ça fait plus de cinquante berges que je parle plus avec
des phrases. Je connais plus bien tous les mots. Avant de venir te voir
j’ai fait un stage à Belleville. Ça m’a remis des boudins de phrases en
place. J’parle pas bien ?
— Ce n’est pas formidable. Et où as-tu trouvé ces vêtements ? Ce
n’est pas le style de Belleville… ?
— Ça ? C’est ce que je porte sur Artobas. N’fais pas ces yeux
ronds. Artobas, c’est la planète où j’crèche, une p’tite planète
tellurique de la constellation d’Andromède.
Peggy-Jeanne commençait à se remettre, à adhérer à une réalité plutôt turbulente. Cette personne qui prétendait être sa tante Jeanne la fascinait. Elle la dévorait des yeux, allant jusqu’à la toucher pour vérifier la véracité de son existence. Mille questions se bousculèrent. Elle voulait tout savoir, tout comprendre.
— Tout savoir, c’est vite dit, zutzutzut ! Ça prendra du temps.— Les habitants de la planète Artobas sont vraiment chouettes. Ils détiennent une moralité super-super-super. Pas de frontière, pas de religion, pas d’argent… Y’a rien à bouffer de bon non plus, ajouta-t-elle avec regret. Leur but dans la vie est d’accéder au pur, de développer la technologie et les sciences dans un but philanthropique uniquement. Dès mon arrivée chez eux, j’ai été initiée aux pratiques de la parapsychologie en usage là-bas. Je possédais déjà quelques compétences en télépathie mais j’ai dû perfectionner la télékinésie, la lévitation. Mon mentor était un mec super chouette ; il m’a appris, entre autres, un truc marrant : comment faire passer mes pensées dans le corps de quelqu’un d’autre. Il s’amusait souvent avec moi à ça. C’est tordant ! Ça chatouille un peu, mais qu’est-ce qu’on rigole… Il m’a enseigné plein de sensations. Finalement, je l’ai épousé…
— Quoi ! Tu es mariée avec un extraterrestre ?— Tu veux savoir s’ils sont verts ? Ou bleus ? Ils sont surtout très mous. Un peu comme de la mie de pain que tu laisses tremper. Des grosses boules de pâte flasque, quoi ! Ils n’ont pas de muscle : ils bougent en déportant leur corps par la force de leur pensée uniquement. Ça fait floc-floc chaque fois qu’ils changent de position. Néanmoins, depuis quelques années, on leur bourre le crâne qu’ils doivent se mettre au bodybuilding. Ce sont les grands pontes en recherche scientifique qui recommandent c’truc. Les résultats seraient satisfaisants. Certains ont tellement progressé, qu’ils arrivent à ramper. On estime que les prochaines générations seront capables de marcher et même de courir. Ils présument que c’est ça le progrès… Moi, j’suis différente, je m’entretiens, je fais de la corde à sauter et je danse le Boogie-Woogie. Qu’est-ce qu’ils sont jaloux !
Jeanne donna encore plein de renseignements concernant la vie et les mœurs des artobassiens
.Occupés à mille charges, ils adorent se délasser en dormant et peuvent passer des journées et des nuits entières à sommeiller sur des planchers très doux. Ils sont capables de contrôler leurs rêves et cela s’avérerait plus apaisant et plus délicieux que tous les divertissements connus sur Terre. Malgré leur incalculable supériorité dans beaucoup de domaines, leur civilisation souffre de graves lacunes gastronomiques :
« Ils se nourrissent uniquement du lait de bestioles que t’as pas idée, des fruits et des légumes qu’ils trouvent en grande quantité à portée de leur main, et ils les absorbent tels quels. Savent même pas cuisiner. D’ailleurs, ils n’ont pas encore inventé le feu. Même réchauffer de l’eau pour boire du thé ou du café, ils connaissent pas ! Qu’est-ce que c’était dur au début… »
Par contre, ils ont des robots super-perfectionnés qui font toutes les tâches. Du coup, ils sont en avance sur les connaissances terriennes. Ils sont branchés sur tous les réseaux terriens de communication et admirent les expressions culturelles qui se sont développées dans certaines contrées. Du haut de ce progrès qui laissent les terriens, si loin derrière, malgré l’incommensurable distance (plus de cinquante années-lumière), ils passent d’interminables soirées à visionner les programmes, les séries, les films, les débats sur l’actualité, les documentaires…
— Et c’est ainsi que le culturisme a fait son apparition ! Zutzutzut !
Je vais louper la diffusion de l’arrivée du premier homme sur la Lune.
La transmission est pour ce soir dans mon bled…
— Mais, c’est vieux ça ! Vous captez des programmes qui étaient
diffusés sur Terre il y a cinquante ans ?
— Oh, ça va, hein ! On vient tout juste de se connecter sur vos
réseaux de télévision, alors, sûr, ça prend du temps. Et encore ! La
lumière met des milliers et des milliers d’années pour arriver de
chez vous jusque sur notre planète ! Alors, hein ! On est vachement
en avance sur votre passé. On voit des programmes qui sont vieux
de milliards d’années, tu piges ? Notre planète était à peine formée !
Nous n’existons pas encore au moment où nous regardons vos
émissions, faut le faire ! N’empêche, c’est pas la porte à côté. Tu n’as
pas besoin de te rouler de rire comme ça ! Parce que, parallèlement
à cela, grâce à notre progression, nous sommes demain lorsque vous
n’êtes qu’hier. Je précise : vous êtes en retard sur votre avenir. Je veux
dire que le passé, ben, c’est pas demain le lendemain, tu comprends ?
c’est la veille quoi…
— Demain ? Hier ?
— Laisse tomber… J’aime bien expliquer ce que je ne comprends
pas. En tout cas, j’ai pu lire tous tes messages sur Internet !
Elles discutèrent encore. Peggy-Jeanne se sentait réconfortée.
Parfois, elle se disait que tout cela appartenait à une dimension farfelue
qui ne se fixait à rien ; qu’elle était folle, ou qu’elle rêvait. Quand
même, petit à petit, elle s’habituait à l’idée qu’elle ne rêvait pas.
— Je vis un conte de fées, dit-elle.
— Tu ne crois pas si bien dire. Viens, on va rentrer au Cocotier,
tu n’as pas bouffé ce matin et moi-même j’ai une de ces fringales ! Tu
crois que je trouverai des croissants frais ?
Peggy-Jeanne eut l’air affolé et sa tante Jeanne comprit :
— Sois tranquille, je sais exactement tout ce qui s’est passé…
Fais-moi confiance, ne crains rien, tout se passera bien. Je suis là à
présent et je m’occupe de tout !
— Comment ça ?
— Je vais t’accompagner. Pas à la manière terrienne, mais à la
façon artobassienne. C’est-à-dire que je vais m’installer dans ton
corps.
— Quoi ?
— OK, je te promets de faire des efforts et de surveiller mon
langage ; j’vais me mettre en mode intello.
Peggy-Jeanne n’avait pas grand-chose à perdre. Elle existait
en sursis dans une combe plurivoque qui trouait tragiquement
le quotidien, égarée dans un monde entre deux mondes. Trop de
systèmes venaient de basculer et l’arrivée de sa tante Jeanne avait
changé un nouvel élément de sa vie.
Depuis toute petite elle entendait
parler de la tante disparue, de cette jeune parente kidnappée par des
aliens alors qu’elle n’avait même pas vingt ans. Bien qu’il s’agît
d’une tragédie évidente relatée en son temps par la presse et transmise
par la chronique familiale, Peggy-Jeanne n’admit cet événement
que comme étant une légende mythique assez semblable aux autres
histoires qu’on lui racontait lorsqu’elle était enfant, le soir avant
qu’elle ne s’endorme. Elle faisait peu de différence entre le vilain
petit canard, la princesse au pois et sa tante Jeanne.
En ce moment, elle était toute prête à se convaincre que sa raison
avait cédé. Qui pourrait croire une aventure pareille ? Mais ce délire
tombait à pic pour la distraire de la trop grande détresse où elle se
trouvait ce matin.
Hallucination, peut-être, à présent cela lui était
bien égal. Qu’est-ce qui l’empêchait de revêtir un nouveau masque,
une défense tirée des tréfonds de son inconscient et dont elle saurait
tirer profit.
Elle annonça à sa tante qu’elle jouerait le jeu.
Jeanne lui fit un clin d’œil, et lui demanda de ne pas bouger. Après
deux secondes, Peggy-Jeanne ressentit des picotements partout. Elle
allait se gratter et à ce moment la voix de sa tante retentit dans son
propre corps.
— J’y suis ! Tu te sens bien Peg ?
— Je ne sais pas, ça gratte un peu…
— Ouais, j’suis peut-être un peu plus grande que toi. J’vais me
faire toute petite, tu verras, ça va passer.
— C’est bizarre de t’entendre dans ma tête et de te parler ainsi.
— T’as rien vu encore. À partir de cet instant, c’est moi qui dirige
tout. Toi, tu te tais et tu me laisses faire, pigé ? J’utiliserai tes mots
pour qu’on ne perçoive pas une différence de langage.
Et sans que Peggy-Jeanne ne le remarque, elle fit un nouveau clin
d’œil, cette fois dans la direction des petites fées.
Les petites fées…
Elles n’avaient encore jamais vu une chose pareille : une fortune
en bijoux s’entassait sur le tapis de jeu. Cette partie de poker durait
depuis quelques heures déjà, et elles s’acharnaient encore.
Cerise et Prune venaient d’abandonner « Et pourtant j’avais
un beau brelan ! » songeait cette dernière avec regret, mais
prudence.
Groseille, Pomme, Cassis et Mirabelle restaient en jeu.
— Une carte ! sifflota Cassis.
— Servie ! carillonna Mirabelle.
— Quel est l’atout ? demanda ingénument Mirabelle.
Les autres lui expliquèrent pour la trois cent dixième fois qu’elles
ne jouaient pas à la belote mais au poker.
— Eh bien ! fit-elle, si c’est comme ça, je vais prendre une carte
pour tenter une paire.
Les autres haussèrent les épaules. Rien à faire, elle ne pourra
jamais comprendre les règles et les tactiques du poker.
Les cartes furent distribuées et l’enjeu grimpa encore…
Aux abords du Cocotier, Peggy-Jeanne jeta un coup d’œil sur sa montre : il était tout juste dix heures et demie ; il lui semblait qu’une journée entière venait de s’écouler. Toutes les péripéties qu’elle venait de vivre avaient duré moins de temps qu’elle ne l’aurait cru. Il faut dire que la journée avait commencé très tôt.
Elle aperçut Gustave qui venait à sa rencontre. Il avait le sourcil
crispé et le menton accusateur :
— Zoé est dans un état terrible, qu’est-ce qui t’a pris ? pourquoi
lui as-tu claqué la porte sur les doigts ?
Peggy-Jeanne était pétrifiée. Heureusement, tante Jeanne,
impétueuse, prit le relais :
— Niquedouille, va ! avant de juger, sais-tu qu’il faut entendre les
deux parties ? C’est quoi ces accusations ? Tu ne sais pas ce qui s’est
passé et tu as le culot de m’accuser ?
— Pardon ?
— Ce qui est arrivé à Zoé, c’était de sa faute, uniquement de sa
faute à elle, à elle seule, d’accord ?
— Mais la vérité…
— La vérité, c’est la mienne. Zoé a elle-même claqué la porte sur
sa main, d’accord ?
— Elle a menti ?
— Oui. Elle est seule responsable de ce qui lui est arrivé,
d’accord ?
— Quoi ?
Il la regardait avec stupeur. Jamais Peggy-Jeanne ne lui avait parlé ainsi ! Quelle pugnacité ! et ce regard… Elle ne ressemblait plus de tout à la jeune fille avec laquelle il avait passé une si bonne soirée à Mouans-Sartoux. Est-ce qu’alors, elle jouait la comédie, avait-elle menti ?
— Je jouais la comédie, moi ? J’ai menti, moi ? répliqua Peggy- Jeanne-Jeanne avec colère. Qui parle de mentir ?Peggy-Jeanne était éberluée.
« Non ? il avait tout inventé ? Son magasin d’antiquités, le 16e et
tout ? »
Jeanne ria et confirma. Elles arrivèrent au Cocotier.
Maurice et Philibert étaient en grande discussion dans le hall.
Peggy-Jeanne alla droit vers Maurice et, très calmement, demanda si
elle n’avait pas reçu de message.
— Non, mademoiselle. Voulez-vous régler votre note ? demanda
Maurice d’un ton fielleux.
— Régler ma note ? Je ne pars que la semaine prochaine. Je vous
la réglerai le jour de mon départ.
— Je supposais… qu’après ce que vous avez infligé à cette pauvre
Zoé, vous ne pensiez plus rester dans notre pension, si convenable…
— Si convenable ? voulez-vous que je parle de vos sites pornos et
de votre libido si peu… convenable ?
Maurice eut une sorte de convulsion et prit l’air d’un artichaut
fané trop cuit. Sa superbe était retombée sur ses sandalettes.
Il allait peut-être perdre connaissance, mais il tint bon ; il s’agrippa à son col
de chemise et réussit à respirer.
Philibert n’avait pas entendu l’échange des phrases prononcées à
voix tranchées mais basses des deux côtés.
Il discerna seulement que
quelque chose n’allait pas et s’approcha :
— Que se passe-t-il, Maurice ?
— Rien, rien… Mademoiselle Peggy-Jeanne me demandait s’il y
avait un message pour elle.
Sa voix redevint presque normale, quoique teintée d’obséquiosité
de bon aloi. Il se tourna vers la jeune fille :
— Je suis désolé, mademoiselle Peggy-Jeanne, je n’ai pas encore
vérifié le courrier électronique ce matin, mais je remédierai à cela
tantôt. Je vous ferai tout de suite savoir s’il y a quelque chose pour
vous.
— Merci. Monsieur Maurice, à propos de l’incident de ce matin
avec Zoé… vous l’aviez crue ?
— Bien sûr que non, mademoiselle ! Qui pourrait la croire ? Pfft !
quelle malhonnête celle-là ! Nous savons tous qui est mademoiselle
Zoé… Une vraie teigne ! Ce n’était pas délicat de sa part de vous
accuser à tort !
— Je m’en doutais ! dit Philibert, très en colère. Je connais cette
Zoé depuis des années. Tous les ans il y a des plaintes contre elle.
C’est une enfant gâtée qui harcèle tout le monde. Si cela continue,
il faudra demander aux parents de ne plus la faire venir avec eux !
Ne vous faites pas de souci pour cet incident, mademoiselle Peggy-Jeanne,
mais si elle vous importune une nouvelle fois, avertissez-nous et nous sévirons !
Peggy-Jeanne leur dit encore qu’elle n’avait pas pris de petit-déjeuner ce matin, « avec tout ça, vous comprenez… »
Aussitôt, on
lui prépara un plateau royal de croissants bien dorés, de brioches
moelleuses, de bon beurre frais, de miel et de toutes sortes de
confitures de la région.
Elle mangea pour deux.
— Je sors du jeu, décida Pomme.
Avec sa succincte paire de huit, elle ne pouvait raisonnablement
pas continuer…
— Je joue mon collier de perles, annonça Cassis, en le mettant
sur la pile de bijoux.
— Je renchéris avec mon bracelet de diamant, dit Mirabelle à son
tour.
— Mais tes diamants sont faux ! s’insurgea Groseille.
— Et alors ! Tu avais bien mis auparavant ta broche en plaqué or !
— Très bien ! Alors, moi je mets ma bague de fiançailles.
— Tu crois nous impressionner avec cette bague ? Nous savons
toutes que tu l’as trouvée dans un paquet-surprise !
— Arrêtez de vous chamailler, dit Cerise qui observait la Terre en
écarquillant les yeux, et dépêchez-vous de finir cette partie de poker.
— Passe-moi tes jumelles, supplia Prune, je voudrais encore une
fois voir la tête de ce monsieur Maurice, ah ! ah ! ah !
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