Peggy-Jeanne sortit, seule.
Zoé s’était faite toute petite, était même parvenue à adopter une
attitude effacée, voire modeste. Elle avait vivement remercié son
amie et lui réitéra qu’elle ne la dérangerait pas.
Peggy-Jeanne n’alla pas plus loin que la plage sauvage.
Elle découvrit une aire de sable isolée par des rochers, où elle était à l’abri
de la vue des autres estivants. Elle se baigna au bord de la mer et
resta allongée, la tête hors de l’eau, le corps chatouillé par les vagues
et leurs traînes d’écume opalescente. Une fois de plus, la mer lui
procura un effet salutaire.
Elle rentra à la pension en pleine forme, détendue, gaie même. Zoé
n’était pas dans la chambre. Ses affaires étaient presque rangées dans
un coin et elle avait presque nettoyé les traces sur le lavabo.
Certes,
quelques cotons traînaient à côté de la poubelle… Peggy-Jeanne
remarqua des mégots de cigarettes à eucalyptus dans le cendrier.
« Je lui demanderai d’aller fumer sur le balcon et non dans la chambre. »
Mais dans l’ensemble c’était correct… Elle descendit et s’assit à une
table un peu reculée du jardin. Elle s’offrit un bloody-mary qu’elle
sirota avec délice.
Monsieur Maurice vint lui tenir compagnie, lui fit goûter de
l’anisette élaborée et mise en bouteille dans l’arrière-pays. Ils
discutèrent d’informatique jusqu’au repas du soir.
— Si vous voulez envoyer un mail à votre ami, n’hésitez pas, ma
porte vous est toujours ouverte !
Peggy-Jeanne accepta et suivit Maurice dans sa pièce de travail.
Elle composa son code personnel et découvrit deux messages qui
l’attendaient. Elle éclata de rire en lisant les commentaires facétieux
du premier message de Valentin.
Dans le second il annonçait que
son frère, Sébastien, était rentré en France. Il avait passé deux ans
en Argentine où il avait participé à une expédition géologique qui,
en réalisant des fouilles, réussit à mettre à nu des squelettes entiers
de brontosaures et de tyrannosaures.
Il avait fait une escale en Italie
et était arrivé par bateau à Marseille ; il restera quelques jours sur la
côte avant de rentrer à Paris. Un ami s’était offert pour l’héberger
chez lui à Nice, il sera donc tout près de la pension où séjournait
Peggy-Jeanne.
Valentin lui avait donné l’adresse du Cocotier et,
certainement Sébastien passera la voir.
Elle répondit qu’elle serait
heureuse de le revoir. Elle l’avait peu connu avant son départ, mais
avait gardé un excellent souvenir de lui. C’est d’un pas céleste et
serein qu’elle se mit à table.
Elle en était au café lorsque Madeleine, la tante de Zoé demanda
la permission de s’asseoir. Peggy-Jeanne observa cette femme au
regard acidulé et vif qui prit place en face d’elle. Elle ressemblait
étonnamment à sa sœur : les mêmes traits de visage, la même
constitution, quoique plus grande de taille, le même style de coiffure
et de tenue vestimentaire.
Mais, autant la mère de Zoé paraissait
éteinte et accablée, autant sa sœur semblait malicieuse et volontaire.
Elle était restée silencieuse quelques secondes, puis s’adressa à
Peggy-Jeanne en la regardant droit dans les yeux.
— C’est vous qui avez offert l’hospitalité à ma nièce ?
— Oui… À vrai dire, c’est plutôt Zoé qui s’est invitée chez moi !
— Et vous avez accepté ?
Peggy-Jeanne remarqua que Madeleine refrénait une folle
envie de rire.
Elle avait bien envie de rire elle aussi, mais ne
comprenait pas exactement ce qu’il y avait de si drôle.
Zoé aurait-
elle manigancé un canular ? Avec les masques que la plupart des
pensionnaires arboraient et avec tous leurs mensonges, on pouvait
augurer du pire.
— Pourriez-vous m’expliquer ? Quelque chose vous fait rire mais
je ne saisis pas…
Le sourire de la tante s’atténua, elle devint presque grave, se leva,
posa sa main sur l’épaule de la jeune fille et lui murmura avant de la
quitter :
— Ne vous laissez pas faire…
« Eh bien, c’est gai ! En tout cas, elle ne ressemble pas du tout au
portrait fâcheux que Zoé m’avait brossé.
Tiens ! justement, la voilà
qui arrive. Elle a dû voir sa tante assise avec moi. »
Mais Zoé n’en dit mot. Elle annonça à son amie qu’elle allait se coucher. Elle voulait travailler un peu ses ouvrages de biochimie avant de s’endormir. Est-ce que cela ne la dérangerait pas ? Non, cela ne dérangeait pas Peggy-Jeanne qui lui demanda juste de ne pas fermer à clé et de ne pas fumer dans la chambre.
Peu après, Camille, la femme de Philibert l’aborda :
— C’est à propos de Zoé, je voudrais vous mettre en garde et
vous signaler un fait qui s’est passé l’année dernière. Nous étions
dans l’entrée, là-bas, dit-elle en désignant l’endroit. En agitant ses
bras elle a fait tomber un vase qui s’est cassé. J’étais à côté d’elle.
Ça arrive, ce n’est pas grave, n’est-ce pas ? Mais Zoé, au lieu de
s’excuser de sa maladresse se mit à m’accuser parce que je n’aurais
pas dû placer ce vase-là… Ce que je veux dire, c’est de vous méfier
d’elle. Je ne sais comment elle s’y prend, mais avec elle, on est
toujours coupable…
À bon entendeur, salut !
Le message de Camille était clair et concis. Peggy-Jeanne rangea
l’anecdote dans un coin de sa tête et se promit de pas l’oublier…
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