Portrait de Turlubuc

our Mme Bollog, Turlubuc est son fils chéri ! il n’a que des qualités, Il est brillant, charmant, irrésistible et promis à un avenir radieux.
Intervention molle mais vindicative de son mari :
« Il fout rien à la maison ! Un vrai parasite ! pas même fichu de participer aux tâches ménagères ! »
Réplique épicée et rageuse de madame Bollog :
« Parce que toi, tu participes ? Tu es pire que ton fils ! Ah ! Vous vous ressemblez bien ! »

Effectivement, Tel père, tel fils, la similitude est quasi totale entre Bollog et Turlubuc. Des proches affirment que le regard provocateur, arrogant, suffisant et intéressé du fils est bien le même que celui de Bollog, et que son sourire narquois et rusé en sont la preuve ; en retrait, ils vous confieront à voix basse :
« Vous savez, il est tout aussi odieux que son père ! »

Malgré tout, Turlubuc eut une enfance à peu près normale. En classe, il baillait beaucoup et défiait ses professeurs. « Une forte tête ! » disaient-ils en prenant leurs distances.
Lorsqu’il atteint ses treize ans, en conformité avec l'Éducation Nationale, on l'envoya passer des tests du Quotient Intellectuel. Les trois examinateurs n’envisagèrent pas d’emblée l’épreuve qu’ils allaient traverser. Dès la première demi-heure, ils en vinrent à manger leurs cols de chemises.
Comment diable ce sale gosse arrivait-il à leur prouver que leurs questions étaient fausses ? Et qu'eux-mêmes ignoraient les réponses justes ?

Son discours était sans faille :

« Si vous savez quelque chose que je ne sais pas,
Si je sais que vous ne savez pas que je ne le sais pas,
Si je sais que vous savez que je sais autre chose,
Si ce que je sais est conforme à qui je suis,
Si vous savez ce que je ne sais pas sur qui je suis,
Si vous savez qui vous êtes sans le savoir,
Si vous savez ce que je ne sais pas être moi,
Si je sais que vous ne savez pas qui je ne suis pas...
Alors qui suis-je ? »

L’absurde et le chaos s’installèrent durant tout le temps du test. Petit à petit, des vents malveillants de folie aigrelette envahirent la salle d’examen.
C’est ainsi que Turlubuc put se glorifier d’obtenir un incroyable 527 de QI.

Lorsqu’il sortit, des passants découvrirent une scène inouïe : l’un des examinateurs sautillait allègrement sur les toits des voitures, un autre pleurait en récitant ses tables de multiplication pendant que le troisième arrachait ses vêtements en sifflotant un air de Paganini. Pour limiter le scandale, on dut les maîtriser, les bâillonner, et les conduire dare-dare vers l’hôpital le plus proche !

Au lycée, Turlubuc parvenait à impressionner les autres élèves par des connaissances qui se révélaient farfelues et fantaisistes à souhait. Quiconque osait le contredire devenait aussitôt son ennemi juré. Les rares téméraires ayant survécu en parlaient encore dans des murmures effrayés.
Mme et Monsieur Bollog ne voyaient rien d’anormal dans la vie de leur jeune garçon et étaient plutôt fiers de ses performances.

La tornade Turlubuc continua ses méfaits et cela dura jusqu’à la fin de ses études.
Après le lycée, il laissa derrière lui une Université ruinée, dévastée, des enseignants au bord du suicide et des étudiants convaincus qu’ils venaient de passer les plus horribles années de leur vie.

Et c’est alors que tout commença…