C’est la faute à pas d’chance,
Elle rate tout ce qu’elle fait.
C’est la faute à pas d’chance,
Elle est pourtant douée…
Quand elle était jeune,
On la disait jolie.
« Trouve-toi un mari »,
Disaient ses amies.
C’est ainsi qu’un jour,
Un type ouvrit ses bras,
Lui fit un brin de cour,
Et elle succomba.
Ils se présentèrent
Devant monsieur le Maire.
Mais le Maire s’fâcha,
En voyant l’fiancé :
« Vous n’êtes qu’un vil goujat,
Vous êtes déjà marié !
Avec l’aut’demoiselle
Que vous trouviez si belle ! »
C’est la faute à pas d’chance,
Elle rate tout ce qu’elle fait.
C’est la faute à pas d’chance,
Elle est pourtant douée…
Alors elle décida
De faire de la peinture.
Elle prit des cours d’Art
Et d’Architecture.
Devant l’chevalet,
Esquissait des portraits.
Au bout d’son pinceau,
Les gens n’étaient pas beaux.
Elle a du talent,
Incontestablement.
Les critiques promettent
Beaucoup de succès :
« Toute cette laideur…
Mon Dieu, que c’est beau ! »
Mais point d’acheteur :
Personne n’en voulait.
C’est la faute à pas d’chance,
Elle rate tout ce qu’elle fait.
C’est la faute à pas d’chance,
Elle est pourtant douée…
Finie la peinture,
Elle s’mit à l’écriture.
Remplit six cents pages
De mots durs et sages.
Les maisons d’édition
Furent impressionnées.
Et lui assurèrent
De grands prix littéraires :
« De Rimbaud et Prévert,
Vous êtes l’héritière.
Nous vantons votre talent,
Mais ne pouvons rien faire.
Ce qu’aiment les lecteurs,
C’sont les récits de cul.
Six cents pages sans cul :
Vos pages vont au panier ! »
C’est la faute à pas d’chance,
Elle rate tout ce qu’elle fait.
C’est la faute à pas d’chance,
Elle semblait pourtant douée…
Elle vécut encore
De longues années,
Ratait ce qu’elle faisait,
Et recommençait.
Elle chantait et disait
Avec insouciance :
« La vie n’a pas de sens…
Recréons l’existence. »
🟦 🐤 Illustration : Interprétation musico-absurde de Intéa en personne !