"Je m'appelle Judith Warschawski, fille de feu le Grand Rabbin Max Warschawski et de Mireille Warschawski, je suis fière d'allumer ce flambeau au nom des Femmes en noir et en l'honneur de mes parents afin de continuer et de préserver la tradition et l'éducation qu'ils m'ont transmises.
Mes parents m'ont enseigné la persévérance dans mes objectifs, la recherche de la justice et de l'égalité, le devoir de mener les combats auxquels je crois afin d'amener des changements dans notre réalité.
Depuis 24 ans déjà, semaine après semaine, vendredi après vendredi, nous, les Femmes en noir, nous nous rassemblons en brandissant une main noire sur laquelle est écrit un seul et unique message : "Stop à l'occupation".
Nous nous retrouvons sur une place au centre de Jérusalem, à Tel-Aviv, à Haïfa et à Gan Schmuel. Cette place s'appelle Hagar en mémoire de l'une de nos compagnes qui était aussi l'une des fondatrices de notre mouvement. Un petit groupe de femmes a décidé de sortir dans la rue en brandissant une pancarte noire en forme de main comme signal d'alarme qui déclare : "Non ! Stop à cette occupation continuelle qui nous détruit !"
Cette main noire nous met en garde contre la marque de Caïn qu'est l'occupation, gravée sur nos fronts – sur nos fronts à tous.
Ce message est simple, significatif et universel. Sa particularité est d'être exprimé par des femmes ; il perpétue ainsi une tradition de combat de ces femmes qui se mobilisent dans le monde entier afin de protester contre les préjudices qui sévissent dans leur pays.
Nous nous sommes inspirées de la tradition des femmes (grand-mères et mères) de la Place de Mai en Argentine et nous avons instauré une nouvelle voie qui s'est développée dans le monde entier : des femmes habillées de noir manifestent régulièrement dans différentes capitales pour protester, s'identifiant à notre combat, luttant contre des conflits locaux.
Persévérance et persistance sont nos règles principales. Nous avons commencé en 1988 - aussi incroyable cela soit-il - depuis 24 ans, depuis le début de la première intifada et jusqu'à ce jour.
Malgré les réactions hostiles, les marques de mépris, les réflexions sexistes et les tentatives de femmes de droite d'occuper la Place Hagar, nous continuons ! Nous sommes même devenues partie intégrante du paysage ! Et même si nous n'avons pas encore modifié la situation politique, je crois malgré tout que ce rappel hebdomadaire continu est en soi une vraie réussite. Nous étions des centaines, nous étions une poignée, nous étions des dizaines, nous étions juste des femmes israéliennes, nous étions aussi des femmes internationales, et surtout, nous étions sur la place ! Nous étions là et nous refusions d'abandonner !
Tant que nous serons présentes sur la place, nous réalisons un espoir de changement ! Nous sommes comme une petite flamme morale qui s'entête à éclairer une lourde obscurité, prouvant ainsi qu'il est possible d'agir autrement, qu'il est impossible de nous faire taire.
24 ans, c'est beaucoup de temps ! Durant ce temps nous avons fêté les cent ans de l'une de nos compagnes, une autre a mis un fils au monde, d'autres ont quitté ce monde après qu'elles aient éclairé la place.
J'ai eu le temps de manifester sur cette place durant trois générations, avec ma mère et avec ma fille, et je souhaite, je prie, ne pas devoir encore manifester avec mes petites-filles et que, vite, vite, nous ne connaissions plus ni guerre ni occupation !
Nous avons fêté la fête de Pessah' récemment – fête de la Liberté – et je me suis souvenue d'une citation de Karl Marx : "Un peuple qui en opprime un autre ne peut être libre."
Et aujourd'hui, à la veille du jour de l'Indépendance de l'état d'Israël, alors que nous sommes chaque jour témoins du dédain des valeurs immuables de la justice, de la fraternité, de l'égalité, de l'autonomie, de la paix, et du mépris continuel envers la démocratie, je suis reconnaissante, au nom des femmes en noir et en mon nom, de l'existence de cette cérémonie alternative qui commémore ces valeurs au lieu de fausses célébrations et de feux d'artifice.
Grâce à cette cérémonie et grâce à mes compagnes du mouvement, je suis capable de surmonter le jour de l'Indépendance d'une part, et d'autre part de survivre d'une année à l'autre.
Et surtout, préserver l'espoir.
STOP A L'OCCUPATION !"