Fables de Jean de la Fontaine
du XVIIe siècle au XXIᵉ siècle
Niki Vered-Bar

Le Lièvre et la Tortue

illustration
Illustration Gustave Doré

Jean de La Fontaine

Rien ne sert de courir ; il faut partir à point.
Le Lièvre et la Tortue en sont un témoignage.
Gageons, dit celle-ci, que vous n'atteindrez point
Sitôt que moi ce but. - Sitôt ? Etes-vous sage ? Repartit l'animal léger.

Ma commère, il vous faut purger
Avec quatre grains d'ellébore.
- Sage ou non, je parie encore.
Ainsi fut fait : et de tous deux
On mit près du but les enjeux :
Savoir quoi, ce n'est pas l'affaire,
Ni de quel juge l'on convint.
Notre Lièvre n'avait que quatre pas à faire ;
J'entends de ceux qu'il fait lorsque prêt d'être atteint
Il s'éloigne des chiens, les renvoie aux Calendes,
Et leur fait arpenter les landes.
Ayant, dis-je, du temps de reste pour brouter,
Pour dormir, et pour écouter
D'où vient le vent, il laisse la Tortue
Aller son train de Sénateur.
Elle part, elle s'évertue ;
Elle se hâte avec lenteur.
Lui cependant méprise une telle victoire,
Tient la >gageure à peu de gloire,
Croit qu'il y va de son honneur
De partir tard. Il broute, il se repose,
Il s'amuse à toute autre chose
Qu'à la gageure. A la fin quand il vit
Que l'autre touchait presque au bout de la carrière,
Il partit comme un trait ; mais les élans qu'il fit
Furent vains : la Tortue arriva la première.

Eh bien ! lui cria-t-elle, n'avais-je pas raison ?
De quoi vous sert votre vitesse ?
Moi, l'emporter ! et que serait-ce
Si vous portiez une maison ?

Niki Vered-Bar

Rien ne sert de courir ; il faut partir à temps.
Le lièvre et la tortue vont vous le prouver maintenant.
"On fait la course ? dit la tortue,
Je parie que je franchirai la barrière avant toi."
"Avant moi ? Quelle bêtise dis-tu ?
Tu n'es pas sensée ! Il faut te soigner !"
Se moqua le lièvre sans pitié.
"Garde ton mépris et tes railleries,
J'ai tous mes esprits et je maintiens le pari !"

Quels étaient les enjeux ? Qui allait juger ?
Mais qu’importe, le pari les avait déjà conquis. Nul ne le savait et en fait, peu importait.

Notre Lièvre n'avait que quatre pas à faire ;
Sûr de lui, il savait avec quelle facilité
Il s'échapperait, rirait et se jouerait
Des chiens qui le prendraient en chasse.
"J'ai tout le temps pour pique-niquer,
Pour dormir et écouter le vent qui passe..."
Ainsi, il se prélasse et laisse la tortue aller
De son allure, lente, grave et posée.

Elle avance avec peine et ardeur
Se hâte avec lenteur.

Lui, orgueilleux et méprisant face à sa rivale,
Sûr de sa victoire et de sa vitesse que nul n'égale :
Pour encore plus de gloire, il lui faut partir tard.
Alors, il se repose, il s'amuse à mille autres choses
Qu'à cette course. A la fin, quand il vit
Que l'autre touchait presque la ligne d'arrivée,
Atteignait déjà le but, il partit comme un trait ;
Mais les élans qu'il fit furent vains :
La Tortue franchit la barrière
Et arriva la première.
Eh bien ! lui cria-t-elle, n'avais-je pas raison ?
A quoi vous sert votre vitesse ?
C'est moi qui gagne !  Et que serait-ce
Si vous portiez une maison ?


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